Henri Djombo : “Encourager le secteur privé à investir dans l’agriculture”

La République du Congo importe chaque année l’équivalent de 500 milliards de francs CFA [environ 762 millions d’euros] en denrées alimentaires, car la production agricole nationale ne suffit pas à elle seule à répondre aux besoins des Congolais. Pour dynamiser un secteur considéré comme l’un des principaux piliers de la diversification et de la croissance économiques, le ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche a élaboré un programme de développement agricole d’un montant de 1 000 milliards de francs CFA [1,524 milliard d’euros]. Le gouvernement prévoit la tenue d’une table ronde des bailleurs de fonds à Amsterdam en mai prochain pour mobiliser les financements nécessaires à la réussite de ce programme.

Dans le cadre du Salon international de l’agriculture, qui s’est tenu à Paris du 25 février au 5 mars, le ministre Henri Djombo, en charge de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche, a rencontré des entreprises françaises avec lesquelles des partenariats sont envisagés. Il s’est confié au Point Afrique.

Le Point Afrique : En 2016, lorsque vous avez pris vos nouvelles fonctions, vous avez établi un programme prioritaire de développement agricole du Congo, d’un montant de 1 000 milliards de francs CFA sur 3 ans. Où en êtes-vous pour la tranche 2017 ?

Henri Djombo : Ce programme intégrera le plan national de développement 2017-2021, qui n’est pas encore adopté. L’agriculture et l’alimentation en constitueront les priorités de premier niveau. Tous les acteurs attendent la mise en œuvre de ce programme stratégique, un engagement à prendre, à respecter et à réussir dans la période concernée.

À combien s’élève la part du budget de l’État consacrée à l’agriculture en 2017 ?

Un budget de 45 milliards sur les 323 milliards de francs CFA attendus a été voté, pour la mise en train du programme d’actions prioritaires.

Que pouvez-vous faire avec ce montant ?

Ces crédits serviront à la gestion de l’administration agricole et permettront juste d’engager quelques actions du programme.

Comment s’intègre le projet d’agriculture commerciale actuellement en négociation avec la Banque mondiale dans ce programme ?

Le projet d’agriculture commerciale que le gouvernement initie conjointement avec la Banque mondiale pour les 7 prochaines années représente 100 millions de dollars [environ 100 millions d’euros], sur les 1 000 milliards de francs CFA attendus dans le cadre du programme, limité à 3 ans. Cet apport de la Banque mondiale à la mise en œuvre de notre politique agricole met l’accent sur le renforcement des capacités, les infrastructures rurales et le développement des filières café, cacao, palmier à huile en savane, élevage, etc. Il n’est pas négligeable et permet d’attirer d’autres partenaires financiers. D’ores et déjà les grands bailleurs de fonds du monde s’intéressent au programme de développement agricole congolais, qui s’est fixé la saine ambition d’augmenter l’offre alimentaire, de réduire les importations et d’améliorer le cadre de vie des ruraux dans un laps de temps très limité.

Est-ce pour cette raison que vous comptez organiser une conférence de bailleurs qui vous permettra de mobiliser des fonds pour l’agriculture, l’élevage et la pêche ? Quand aura lieu cette rencontre ? Qu’en attendez-vous ?

L’avenir de l’agriculture congolaise repose sur la mise en œuvre d’une stratégie partagée, soutenue par la coopération internationale. Nous comptons sur les concours de nos partenaires techniques et financiers extérieurs pour mettre en place des financements adaptés pour l’agriculture, l’élevage et la pêche et soutenir l’action des petits et moyens exploitants. En même temps, nous mettons à la disposition de l’agro-industrie les terres par bail emphytéotique et encourageons les promoteurs de projets à y investir massivement.

C’est pour cette raison que nous allons tenir en mai cette conférence internationale sur le financement de l’agriculture congolaise, dont le but est d’inviter les bailleurs de fonds et les donateurs à financer notre programme et d’encourager le secteur privé à investir dans l’agriculture au Congo.

Ce sera l’occasion de présenter les incitations et les encouragements que le gouvernement accorde aux investisseurs pour s’installer, satisfaire le marché local et exporter nos produits dans les conditions de compétitivité.

Où se tiendra cette conférence ?

La conférence se tiendra à Amsterdam, aux Pays-Bas. Nous avons choisi cette ville hollandaise alors que nous étions en pourparlers avec la Rabobank, qui est la plus grande banque agricole des Pays-Bas. Nous avons considéré qu’Amsterdam est une bonne place pour parler financement de l’agriculture. Tous les donateurs et bailleurs de fonds du monde seront invités, ainsi que le secteur privé.

Incluez-vous les petits exploitants dans ce que vous appelez l’agriculture commerciale ?

Tel que conçu avec la Banque mondiale, le concept d’agriculture commerciale concerne surtout les petits et moyens producteurs, ceux qui sont déjà établis, et les nouveaux acteurs qui pourraient être intéressés par les différentes filières. Le programme prévoit également d’assister les exploitants dans la mise en place d’infrastructures de stockage et de transformation des produits agricoles, halieutiques et pastoraux.

Vous êtes venus à Paris pour visiter le Salon international de l’agriculture. Qu’attendez-vous d’un tel salon et quels sont les contacts que vous avez pris qui pourraient déboucher sur des partenariats ?

Nous avons vu de très belles réalisations d’éleveurs et d’agriculteurs français. Cela nous invite à suivre cette direction. Toutefois, pour prendre cette direction, il faut un engagement très fort. Nous y arriverons peut-être progressivement, mais nous pouvons y arriver très vite avec la volonté politique.

Au cours de ce salon, nous avons eu de bons contacts avec le secteur privé, avec des éleveurs et des agriculteurs. Il y a de grandes possibilités de coopération dans certaines filières et avec certaines entreprises françaises, notamment dans l’élevage (porcs, volailles et bovins) et l’aquaculture.

La formation est un grand problème au Congo. Avez-vous eu des contacts avec des instituts de formation lors du salon ?

Dans le domaine de la formation, nous avons besoin d’expériences réussies pour recevoir et former nos acteurs, aussi bien la main-d’œuvre agricole que les exploitants eux-mêmes. Sur ce plan, nous avons eu des contacts intéressants lors du Salon.

D’une manière générale, la participation à ce Salon international de l’Agriculture nous a été très profitable. Au prochain Salon, nous espérons que le Congo y aura un stand et des produits à offrir, à l’instar du Sénégal, de la Côte d’Ivoire ou du Mali, qui sont des pays conquérants sur le marché international. Nous ne manquons pas d’atouts pour faire comme eux et peut-être mieux.

Source: http://afrique.lepoint.fr/economie/henri-djombo-encourager-le-secteur-prive-a-investir-dans-l-agriculture-06-03-2017-2109607_2258.php

ENTRETIEN. Le Salon de l’agriculture de Paris, qui vient de se terminer, est l’occasion de comprendre l’approche du Congo dans ce domaine stratégique. Propos recueillis à Paris par Muriel Devey Malu-Malu